Passeport Numérique de Produit (DPP) : architecture, preuves et signaux d’alerte pour neutraliser la contrefaçon
Chapitre 1 — Contexte et menace Le commerce de contrefaçon est devenu un risque systémique pour les chaînes de valeur mondiales. En effet, l’ordre de grandeur, la portée sectorielle et les conséquences économiques montrent qu’il ne s’agit plus d’un simple phénomène marginal. Des études récentes estiment les échanges de produits falsifiés à plusieurs centaines de milliards de dollars par an, et l’exposition est particulièrement élevée pour l’Union européenne, où la part des importations contrefaites est significative. Au-delà des chiffres, les impacts sont concrets et multidimensionnels : risques sanitaires lorsqu’il s’agit de pièces détachées ou de médicaments, pertes fiscales, recettes détournées, atteinte à la réputation des marques légitimes et distorsions de concurrence. Les services des douanes disposent d’outils d’interception et de saisie. Cependant, ceux-ci fonctionnent souvent au niveau des lots ou des cargaisons ; sans granularité à l’unité, la prévention proactive et la traçabilité fine restent limitées. C’est précisément pour cette raison que le DPP apporte de la valeur : il crée une identité propre à chaque article, une base indispensable pour détecter, analyser et contrer les fraudes à l’échelle opérationnelle. Chapitre 2 — Cadre réglementaire et portée du DPP contre la contrefaçon Le DPP s’inscrit dans la dynamique européenne autour de la durabilité et de la circularité portée par le règlement ESPR. Ainsi, l’intention originelle est claire : fournir une identité numérique normalisée qui regroupe des informations de cycle de vie — réparabilité, composition, instructions de recyclage — et qui soit accessible via un support technique (QR 2D, RFID/NFC ou équivalent). Si la finalité normative est la durabilité, le DPP génère également un bénéfice essentiel pour la lutte contre la contrefaçon : la transparence et la possibilité d’auditer un objet à l’unité. Concrètement, les actes délégués et plans de travail sectoriels définissent les groupes de produits, les informations obligatoires et les calendriers de mise en œuvre. Ainsi, pour les entreprises, cela exige d’anticiper à la fois la collecte des métadonnées produit et la capacité à exposer une identité vérifiable. Chapitre 3 — Identité unique sérialisée : fondation anti-contrefaçon L’antidote technique fondamental contre la falsification active repose sur la sérialisation unitaire : un identifiant unique par exemplaire, distinct des identifiants de classe comme le GTIN. Sans cela, la reconstitution d’un historique unitaire est impossible. La spécification GS1 Digital Link offre une architecture pratique pour rendre résoluble et extensible cette identité. Ainsi, chaque identifiant peut être lié à des ressources numériques. De plus, cette architecture reste compatible avec les supports 2D aujourd’hui dominants. En résumé, ce modèle — un identifiant unique qui pointe vers un graphe de données vérifiables — est la pierre angulaire d’un DPP utile à la fois pour la durabilité et pour l’authenticité. Chapitre 4 — Porteurs d’identité : QR dynamiques, NFC sécurisés, sceaux Le vecteur choisi pour porter l’identité conditionne la surface d’attaque et le modèle d’implémentation. Les QR codes sont universels et économiques. Cependant, ils sont faciles à cloner visuellement ; il faut donc les associer à des mécanismes serveur (URL signées, nonces, validation côté backend) pour limiter le clonage. Les dispositifs NFC et les secure elements offrent des garanties matérielles et la possibilité d’un protocole challenge–response. Toutefois, cela a un coût matériel et logistique supérieur. Les sceaux inviolables complètent le dispositif en apportant une preuve physique d’ouverture sur les emballages. Ainsi, le choix entre ces options dépend du profil produit — sensibilité au risque, prix unitaire, canal de distribution — et impose un arbitrage économique/technique qui doit être anticipé dès la conception. Chapitre 5 — Apporter la preuve : graphes d’origine et journaux pour lutter contre la contrefaçon Pour soutenir une revendication d’authenticité, le backend doit conserver des preuves structurées. Par exemple, information d’assemblage (lot, ligne, usine), preuves de transfert de garde (SSCC, GLN) et preuves de conformité (certificats, résultats de tests). À ces éléments s’ajoutent les événements de vie de l’item — fabrication, expédition, réception, vente, réparation — horodatés et signés par les acteurs impliqués. En reliant ces données aux standards existants, on obtient un graphe de possession et d’origine exploitable pour reconstituer une trajectoire crédible. De plus, ce modèle facilite non seulement la vérification par un client ou un douanier, mais aussi la détection algorithmique d’anomalies à l’échelle. Chapitre 6 — Cas d’école : la pharma et la sérialisation réglementaire Le secteur pharmaceutique fournit une feuille de route opérationnelle. La directive FMD impose déjà la sérialisation par unité et la vérification au point de dispensation. Les mécanismes de révocation, de vérification offline/online et de scellage inviolable appliqués en pharma ont démontré l’efficacité d’une chaîne combinant sécurisation matérielle et contrôle backend. Par conséquent, transposer ces leçons aux autres secteurs signifie conserver la logique de vérification multi-niveau, prévoir des mécanismes de révocation et organiser une surveillance continue des identifiants. Chapitre 7 — Contre-mesures actives côté backend Le backend DPP doit être actif, pas seulement passif. La détection de clones se fonde sur des règles simples et robustes. Par exemple, signaux d’alerte lorsque le même identifiant est scanné à une fréquence anormale, lorsqu’il apparaît simultanément dans des zones géographiques incompatibles ou hors des trajectoires logistiques prévues. Ces signaux sont combinés dans un moteur de scoring de risque qui intègre réputation d’appareil, géolocalisation, profils de revendeurs et contexte temporel. Ainsi, les réponses automatisées comprennent la limitation de taux, la mise en quarantaine des identifiants suspects, la redirection des utilisateurs vers des pages d’alerte « potentiel faux » et la capture d’éléments de preuve (images, reçus). Les identifiants compromis doivent pouvoir être révoqués et inscrits dans des listes de blocage partagées. Enfin, les journaux immuables (blockchain ou journaux signés) constituent l’option appropriée lorsque l’auditabilité tierce est requise, tout en gardant à l’esprit le compromis coût/latence. Chapitre 8 — Douanes et forces de l’ordre : boucler la boucle L’intégration opérationnelle avec les autorités est un passage obligé pour transformer la détection en action. Ainsi, des comptes agent pour les scans frontaliers sont créés, avec des horodatages certifiés et des cartographies d’interpellation. Cela permet d’orienter les opérations de saisie et d’enquête. Le partage sélectif et sécurisé des données se fait









